Une autre semaine de travail se termine aussi vite qu’elle a commencée. C’est souvent le cas. On pourrait presque dire « la routine, quoi », si ce n’était que les semaines ne sont jamais exactement pareilles. Cette fois-ci, plus particulièrement, une des différences est cette idée de la fin de semaine approchant à grands pas qui venait interrompre le fil des pensées à intervalles de plus en plus réguliers, sans toutefois impacter la productivité.
Depuis quelques semaines, Judge était réapparu dans la rotation. Après une absence d’écoute trop longue (probablement en terme de mois, voire même d’années), j’avais renoué avec ce son qui avait été si important. Les apprentissages de Mike Judge prouvant que leur pertinence n’était en rien diminuée… Le ton du propos emplis de déception, de colère... Les cicatrices servant de carburant aux principes… Ça avait été comme de rencontrer un de ses meilleurs amis d’enfance et de reprendre exactement où on avait laissé. Comme un souvenir de temps plus simples.
Lorsque l’annonce du spectacle de Judge et 108 avait été faite, sa proximité avec le reunion de Cold as Life, à Detroit, avait fait en sorte que le projet soit mis de côté avant même d’être considéré. Pour les finances, un effort était presque fait pour l’ignorer. Si je n’ai pas à choisir, je n’ai pas à dire non. Ayant déjà vu Judge, innocemment, je me disais que ce n’était peut-être pas aussi important que ça l’était. Et pourtant… Lorsque les amis ont confirmé leur projet et offert une place, le choix s’était fait instantanément. La facilité derrière la logistique symbolisant l’intensité de l’anticipation. Une forme de validation que c’était le bon choix que d’accepter. Pas de doute subsistant, en arrière-pensée, laissant entendre qu’on s’aventure dans la mauvaise direction.
L’œil retournant dans le coin droit, en bas de l’écran, de plus en plus fréquemment. Une course à 15h30 tire à sa fin. La déconnexion à Internet est, par le fait même, une déconnexion avec la sphère professionnelle de l’existence. Pas tout à fait… Il semble que ça ne puisse être fait que partiellement. C’est un peu comme un bagage que je traîne. Je ne sais pas à quel point je suis en mesure d’accepter l’importance que je me suis mis à accorder à l’ouvrage. Est-ce que c’est pour m’aider à faire ce à quoi je me suis engagé du mieux que je peux ? Il me semble que je me souvienne m’être dit que ce serait un test de mes capacités. Je ne sais pas pour qui j’ai besoin de le préciser. Juste pour voir ce que ça donnerait si je mettais toute cette énergie dans quelque chose. Si on passe nos journées à essayer que quelque chose fonctionne, ça devrait finir par fonctionner, non ?! Alors que je ferme l’écran du portable et que je le range dans son sac, mon attention se porte à dresser une liste de ce que je pourrais avoir oublié de mettre dans mon sac à dos. Dans la douche, je récite intérieurement : « brosse à dent, pâte à dents, chargeur de téléphone, passeport, bouchons pour les oreilles… » Le choix de l’habillement devra être moyen. La température risque d’être venteuse avec apparence de pluie. En partie incrédule, ma tête de cochon me fait ignorer les recommandations de prendre le manteau North Face. Alors que je fais mes aurevoirs et que je mets les pieds en-dehors du bloc, le gris du ciel me semble un présage que je risque de payer pour.
Le chantier de construction se déserte. Les travailleurs laissent derrière eux un projet en suspens. Le gravier, la poussière, la boue. Pour combien de temps, encore, vas-t'on vivre dans ce dérangement ? Sur le trottoir, les passants s’en retournent chez eux. L’appréhension de me faire contrôler par la police, encore une fois, s’installe. Si je traîne trop longtemps, les probabilités risquent d’augmenter. Comment ne pas avoir l’air trop louche, quand on attend quelqu’un !? Plus on y pense, plus on est louche. Autant en profiter pour faire des statistiques, sur Strava. Ce sera déjà ça. Peut-être qu'une proie en mouvement est moins attirante, pour eux et leur pratique de technique d'interrogation. Surtout que les prochaines heures seront passées bien assis sur une banquette de Rav4 hybride. Autant faire une pierre, deux coups. Il n’y a que deux semaines que j’étais dans la même situation. Alors que le véhicule apparaît dans le champ de vision, j’ai la réponse à la question que je me posais presque, à savoir : « de quelle couleur il est, déjà, son Rav4 ? »
Le périple prend forme, avec chaque passager qui prend place. Tout le monde est au rendez-vous. Il n’y aura pas d’attente semi-malaisante alors que personne ne sait vraiment quoi faire ou quoi dire. Pas de temps pour entamer une conversation digne de ce nom. Le souper sera pris en chemin, quelque part. Ce ne sont pas les choix qui manqueront au fil de la parade de panneaux de bord d'autoroute. Pas besoin d’une réponse à cette question tout de suite. Le zig zag pour sortir de Québec accroît l’envie de partir. De la même façon que quelqu’un peut préférer être au travail quand la Ville coupe l’eau chez soi. Est-ce qu’il y aura du traffic ? Est-ce qu’il y aura beaucoup de traffic ? Le compagnonnage de la route semble ne pas être trop mauvais. Le rythme est constant. La conversation à l’intérieur du véhicule, aussi. C’est un peu dans le sens de l’expression « it’s not the destination, it’s the journey ». La route avec les amis, les conversations, les inside jokes qui s’installent… C’est ce qui constituera la base du souvenir. C’est ce qui risque de faire partie des histoires qui seront contées aux autres, au retour. Quand tu parles avec ceux qui n’y étaient pas. Quand tu parles avec les collègues qui voyagent moins. Je suis sûr que de prendre l’avion pour aller voir un spectacle serait un autre voyage. C’est garanti. Mais, ces heures passées en voiture avec les amis renforcent les liens. Il n’y a personne dans la voiture qui n’est pas à sa place (mauvais jeu de mot ?!). Personne que j’aurais souhaité être ailleurs. C'est une habileté développée avec les années, que d'être en mesure de passer autant de temps avec des gens dans un espace si confiné sans se chicaner. Un exercice en diplomatie, parfois, mais il faut savoir choisir ses combats.
Alors
que le soleil disparaît à l’horizon, derrière les arbres, les buttes de terre
et les bâtisses, la nécessité de manger se montre. Il faudra bien manger, à un
moment donné. Ça ne vaut pas la peine d'étirer ça. Ce sera le Quesada et son micro-climat. Pourquoi pas ? Le sucre
qui suivra occupe une plus grande importance. La file d’attente est
interminable. La température semble même monter. La porte du restaurant est
maintenue ouverte. Les flashbacks de la décennie passée en restauration rapide
m’envahissent. Ça me rappelle la fois où les collègues avaient laissé la porte
du congélateur ouverte pour se rafraîchir, un soir où il faisait
particulièrement chaud. L'air climatisé vient de lâcher, comme le compresseur du congélateur du Subway, jadis. Ça paraît être une autre vie. Une de mes plusieurs. On aurait pensé que d’attendre aussi longtemps à cette
température aurait encouragé les gens à réfléchir à leur commande, histoire de
ne pas allonger leur passage et de leur permettre de retourner à un endroit
plus tempéré, dès que possible. Vestige d’une époque plus optimiste ? Un vieil instinct aussi désuet qu'en appendice ? Un rappel
à l’ordre. Une mise au point. Un rappel que ce n’est pas dans ce monde que l’on
vit. C'est pour ça qu'on ne peut pas en avoir, des belles affaires. Sachant qu’il reste quelques heures à faire, assis dans une voiture, il ne
faut pas perdre de vue que le choix du repas devra être fait en conséquence.
Trop de nourriture risque de causer la somnolence, en combinaison avec la
fatigue accumulée… Sinon, peut-être une indigestion, causant d’être la personne
qui sera la première à dire « si c’est possible, il faudrait que j’arrête aux
prochaines toilettes… » C’est niaiseux. Ça ne dérangerait personne. Probable.
Ou ils ne le diraient pas. Un autre combat que je livre contre moi-même, sans
doute. Pourtant. C’est mieux de ne pas prendre de chance. Juste à ne pas
prendre le gros burrito avec extra guacamole et queso. Ça devrait aller. Ce n'est pas une compétition afin de déterminer qui mange le plus vite, mais il risque d'y avoir mention de qui mange le plus lentement.
Une fois que le souper est pris, la prochaine étape sur le chemin est les douanes. Saugrenue est l’idée qu’ils ne nous laisseraient pas passer. Pourquoi est-ce qu'ils se priveraient de notre tourisme ? Pourtant, j’ai l’impression que je ne devrais pas le prendre pour acquis. Ce n’est jamais arrivé que je me sois fait dire de retourner chez-nous. Peut-être est-ce à cause du Douanier Rousseau que je refuse d’avoir trop confiance ? Trop de bonne humeur dans la Compagnie Créole. C'est suspect. Je resterai tout de même poli. C’est curieux comment c’est toujours rendu aux lignes, juste avant la guérite, que le fou rire nous prend. Imaginez être douanier et une voiture pleine de gens, les larmes aux yeux, se présente. Est-ce que ça vous donnerait confiance ? S’ils avaient l’air de nous ? Peu importe ce que ça veut dire. Ils ont beau nous demander quels groupes nous allons voir, est-ce que c’est au cas où on irait voir des groupes qu’ils aiment ? Comme si nous allions avoir une grosse conversation et faire attendre le monde en file. Peut-être qu’on pourrait avoir une validation que notre raison pour aller voir nos voisins au sud est légitime. Et s'ils étaient jaloux qu'on aille voir un spectacle qui leur plaît alors qu'ils sont pris pour travailler dans cette petite boite, au froid ? Une fois de plus, on nous souhaite un bon séjour. Je pousse un soupir de soulagement en silence. Un pas de plus de fait en direction de Judge.
La
prochaine étape sera Albany et son Hampton Inn. L’arrêt au dépanneur pour faire
le plein de carburant et de sucre ne compte pas vraiment comme une étape, en
bonne et due forme. Fidèle à nos habitudes. Une tradition est née.
L’établissement fait ses preuves, coup sur coup sur coup. Souvent là, quand on
en a de besoin. Après Rince Crème et ses insanités décousues non moins
hilarantes. Le facteur fatigue, les Skittles et le Pepsi aux cerises auront,
sans aucun doute, décupler le pouvoir du podcast. Est-ce que John Wick sera à
l’honneur pour nous border ? Une sorte de maison, par extension. Le ménage est toujours fait, étrangement. Enfin, celui qu'on voit.
Les yeux s’ouvrent une fois de plus. Cette fois-ci, il est six heures. C’est l’heure du déjeuner. Probablement qu’à travers tous ces ronflements, ils ne se réveilleraient pas, mais je déclenche quand même l’opération ninja. Les oiseaux matinaux se lèvent en mangent tôt. Retrait des bouchons. Gardes une oreille sur la fréquence des inspirations. La moindre variation impliquerait la perte d’une phase de sommeil. Ça sonne comme s'ils dormaient sur un lac. Un mélange de souffle entrecoupé de noyades. Mouvements lents. Le linge avait été soigneusement préparé, la veille, tranche par tranche, dans le sac à dos. Culottes, jersey, chandail, hood. Suffit de prendre la couche du dessus et de l'enfiler. Ramasses les Timbs. Je pourrais le faire les yeux fermés. Remarque que c'est tout comme, dans cette noirceur. La seule lumière est le contour des rideaux et celle de la salle de bain qu'on ne peut pas fermer dans les chambres d'hôtel. Dernier obstacle : la porte de la chambre. Il n’y a rien à faire. Une des clenches est inaccessible et fera assurément un bruit soudain. La lumière forte, en contraste à celle de la chambre, m'enveloppe. L'image se définit. L'odeur du corridor parvient au cerveau qui analyse. Un peu humide, caractéristique du tapis. Un peu chaud. Un peu parfumé de ce que l'on imagine être du nettoyé à répétition. Dans quel sens il était, déjà, l'ascenseur ? Chris Jericho est à la télé dans une émission de cowboy. Les œufs sont juteux. Les saucisses, aussi. Forte impression de déjà-vu. Un muffin et un yogourt. Aux fraises, si possible. Le jus. Le café. Une table avec dos au mur. J’aimerais mieux ne pas avoir à regarder les visages des étrangers. Mais, je préfère les avoir en vue que dans mon dos. Contradiction ? Ironie ? Un peu à l’image de tout le reste, en fait. On dirait que tout le monde se sent un peu coupable d'être debout aussi tôt. Ou est-ce comme être seul au restaurant ? On se dit bonjour, mais est-ce qu'on se le souhaite vraiment ? Je ne peux pas garantir que j'approuve de leur existence. Je n'ai pas mon mot à y dire. Mais, j'aurais préféré qu'ils ne soient pas là. Et pourquoi est-ce que, même quand je fais exprès de me mettre le plus en retrait possible, le monde passent directement à côté de moi ? Ce n'est même pas une ligne directe vers leur destination. Ils font le détour pour passer dans ma bulle. Elle doit être grosse, cette bulle, d'ailleurs. Probablement la grosseur de la Terre. Est-ce que mon apparence est si magnétique ? Les gens sont inconsciemment attirés vers moi ? On ne s'habitue pas. On ne peut rien y faire. Ce n'est pas une raison pour arracher la tête de tout le monde. Un café. Deux cafés. Trois cafés. L’idée que, si nous partons relativement bientôt, nous risquons d’avoir du temps pour nous promener dans la Grosse Pomme me traverse l’esprit. Si nous avons du temps pour nous promener, peut-être qu’on risque d’être dans les parages de la 34eme. Imagines mettre les pieds une deuxième fois dans le Jardin Carré de Madison… Le rêve. C'est si simple. Une douche. Un départ. On pourrait renommer la ville où nous nous trouvons « Al-beigne-y ». Un autre point fort de voyage : arrêter à des endroits exotiques. Des bons beignes-gâteaux pour la route. Du sucre. Plus de sucre.
Le
temps est pluvieux. Si ça ne cesse pas, marcher à New York risque d’être moins
agréable. L’endroit doit être magique. Y’a quelque chose à propos de cette
ville… La pluie cesse et c’est l’heure de manger. Wolfnights. C’est vrai que
c’était fort. En balançoire ou sur un tabouret. Un autre souvenir d'un voyage des plus mémorables. Dehors, le monde est affairé. Et nous sommes près de la
34eme… Un dernier obstacle : trouver une porte qui n’est pas en travaux.
Ça ne peut pas être juste facile. Tout ce qui vaut la peine mérite qu’on
travaille pour. Le couronnement sera en l’honneur de Deuce. Le meilleur aréna
du monde… Un gîte pour ceux qui auront payé le prix de leur loyauté. Partie
après partie, saison après saison. Midtown Comics, aussi, est un endroit
spécial. Exactement ce qu’on pourrait s’imaginer d’un magasin de comics, à New York. Avoir un million… La rivière de circulation est constante, partout. Tu sautes dedans en embarquant sur le trottoir et tu dérives jusqu'à destination. Lorsque tu approches, tu tentes d'influencer ta trajectoire jusque sur le côté. Une fois rendu, tu agrippes une branche ou un cadre de porte pour en sortir. Huckleberry Finn et Jim sur un radeau. Times Square. Les artistes rap qui veulent te vendre leur talent. On interpelle par tous les plus petits dénominateurs communs. « Tu veux du weed ? T'as l'air de quelqu'un qui a déjà fumé tout le weed. Est-ce que ce sont des tatouages de prison ? » Une marche en quadrilatère de plus pour Strava.
L’heure
approche. Nous nous sommes fait dire que le traffic était mauvais, là-bas.
Peut-être ne pas prendre de chance. Je ne sais pas quelle valeur on accorde à cette indication. Le paysage change, peu à peu, alors qu’on
s’approche de Brooklyn. L’orientation est différente avec des GPS que celle au
temps où nous devions utiliser des cartes et des atlas. Ça enlève presque au
défi. Mais, ça aide à arriver au bon endroit. En plus, il n’y a même plus de
billets physiques. Il faut une application sur laquelle nous devons activer les
billets, deux heures avant le spectacle. Quelle époque. Il n’y aura pas de re-entry. La salle du Brooklyn Monarch
n’est pas trop inconfortable. Ça devrait aller. Il n’y a pas foule, par contre.
La question est à savoir si ce sera un gros show,
ou plus comme un show local. La table
de merch présente des items
convenables. Un chandail aux couleurs des Knickerbockers. C’est presque de
l’extorsion. Même si la couverture de Chung King n'est pas la plus belle, esthétiquement parlant. Le symbole reste important. Musique d’ambiance aux sons de Minor Threat et Youth of Today,
entre autre. Les yeux scannent les visages au cas où il y en aurait des familiers.
Roll
Call ouvrent avec les notes de Down Rodeo. Est-ce qu’ils ont fait ça pour
plaire à Sunny ? « These people ain't seen a brown-skinned man since their grandparents bought one. » Tristement un message qui mérite d'être répété, même aujourd'hui. Voir un groupe qu’on ne connaît pas est un peu comme rapporter
des devoirs à la maison. Peut-être l’intention d’y revenir, plus tard, mais
seul l’avenir nous le dira, vraiment. La présence est correcte. La musique
n’est pas mauvaise. Mais, ça fait plus passer le temps qu’autre chose. Des amis
du groupe, dans la salle, font une apparition dans le pit. De la vraie partisanerie. Le mosh ne peut être impartial, de par sa nature.
Wild-Side. Qui sont Wild-Side ?! De Niagara Falls, apparemment. Ce que nous voyons laisse entrevoir une sorte de malaise. Le chanteur est en joggings avec des bas thermos. Des commentaires à l’effet qu’ils sont le plus gros groupe du Canada. Ça pourrait être une blague. Ça pourrait être du sarcasme. Une autre blague à l’effet qu’ils se sont fait offrir 10,000$ pour jouer. Ça pourrait être une blague. Ça pourrait être un commentaire dirigé envers quelqu’un. Il y a quelque chose qui ne tourne pas rond, en arrière-plan. Ce n’est pas grave. Le casse-tête sera terminé bien assez tôt. Un guitariste talentueux. Ça ressemble à une collection de gens provenant de divers environnements.
Age of Apocalypse sont une surprise. En l’écoutant dans la voiture, ça ne semblait pas clair si ce serait plaisant à voir. La réponse est finalement visuelle. La voix est projetée d’une telle façon qu’elle ne laisse pas indifférent. Il pourrait être question de balade à cheval ou de la fin du monde et on n’écouterait pas moins, j’imagine. Il n’y a pas de chanteur qui saute partout de façon typiquement hardcore. Ça commande tout de même l’attention. J’en ressort avec l’intention claire d’y prêter une oreille dans un avenir plutôt rapproché. Bien fait.
Le mode vacance est différent du mode travail. Être en voyage est différent d’être à la maison. Mentalement plus ouvert à l’aventure ? Si on me fixait, à Québec, est-ce que je serais porté à converser ? Ou est-ce que je serais plus porté à la confrontation ? Un Xavier de France aura tenté la chance, en entendant du québécois. C’est un peu l’équivalent à lire une histoire. Je me demande à quoi me sert de faire connaissance puisque les chances qu’on se recroise ou que ça mène à quelque chose de pratique sont minces. Pourquoi pas en profiter pour apprendre sur le processus de visa. Bonne chance et à la revoyure. Semble que nous ne soyons pas les seuls québécois là-bas, non plus. Surprise après surprise. Tous les français ne connaissent pas tous les belges. Tous les gens de Rouyn ne connaissent pas tous les gens de Val-d'Or.
La dernière fois que j’ai vu Cent-huit, j’en suis ressorti avec l’impression que j’avais assisté à une sorte de messe. Le regard de tout le monde fixé sur la scène. La foule quasi-immobile. En transe. Est-ce que ce sera la même chose ? « Your body’s here / but you’re not ». On ne rajeunit pas, en tout cas. Vic est Vic, avec tout ce que ça implique. Il sort peut-être d'un cour d'éducation physique sans avoir pris sa douche. Je dis ça juste parce-que ses cheveux ne sont pas mouillés. Des cloches. Des chants. Un coquillage soufflé par Hate Five Six. Une voix qui ne fait pas défaut. Directe. Franche. Sans prétention. Quand un groupe est bon, le moment passe trop vite. Pas de bataille. Seulement du plaisir. Comme si tout le monde était là dans un intérêt commun. Spirituellement sur le marché. Un reçu de transaction pour ton âme. Tu fais bien de travailler sur toi-même. Transcender la religion. Peser le pour et le contre. La vie est trop courte.
C’est le moment tant attendu. Le moment de la correction. Le moment du jugement. Le sermon. Où étais-tu, Michel ? C’est à en faire dresser le poil sur les bras. Dès les premières notes. Quand on entend exactement ce que l’on veut entendre, exactement au moment où on veut l’entendre. Ce sont toutes ces leçons apprises, au fil des ans et des écoutes. Ces sons si familiers. Un groupe qui n’a pas de faiblesse. Le groupe qui était là au moment où on en avait besoin. C’est tout ça. Un orage. Une tempête. « I see the hate / It keeps pouring down / Pouring down like the rain... » Dire tout haut ce que l’on pense, tout bas. « J'suis ta-nné ! / J'suis ta-nné ! / J'suis ta-nné ! / Tanné en crisse ! » L’opportunité de crier ces mots. « You're a little jumpy / You seem a little tense. » Celle que l’on n’a pas nécessairement, dans son salon. « Drinking and you're smoking and you say you feel fine... » Plus fort que quand on le fait dans sa voiture. « I'm bringin' it down / This hammer I've got / This ignorance / It's got to... / Be stopped! » En cœur avec tous ces étrangers. « Give ! / It! / Up! »
Un carré de pizza pour ne pas se coucher le ventre vide. Mangé sur le bord de la rue, à Brooklyn. Tout ce que je fais là-bas me donne l'impression que je joue dans un film. « Concrete jungle where dreams are made up. » Sortir de Brooklyn ne prend pas quatre heures, non plus. Peut-être que c'est le métro, le problème ? Sa fiabilité ? Le Comfort Inn de Ackensack n’est pas exactement un nom valable. Des murs anti-wifi. Une toilette anti-flush. Ça devra faire. Les bouchons. Les souvenirs. Éventuellement, le sommeil. Une deuxième chance à jouer aux ninjas, le lendemain. Les nouvelles sont mélangeantes. Le conflit à l’autre bout du monde. On dirait que ce n’est pas présenté de façon à ce qu’on comprenne. Même après une heure, j’ai un doute. Par chance, il n’y a pas un examen. La route du retour est toujours un peu plus cruelle. C’est un périple qui tire à sa fin. Le verre devient à moitié vide. Le banc est trop chaud. Manger chez Moe’s est doux-amer, avec l’idée que ce sera la dernière chose exotique que l’on mangera avant de rentrer, à toutes fins pratiques. Un arrêt au Target, comme pour s’accrocher au voyage. Toutes les excuses sont bonnes pour prolonger le moment. En phase déni du retour au travail qui se pointe le bout du nez. Qu’est-ce qu’on déclare, aux douanes, les yeux en larmes d’un autre fou rire ? Est-ce qu’il y a moins de chances qu’ils nous laissent rentrer chez-nous qu’il y en avait qu’ils nous laissent entrer dans leur pays ? Expliquer ce que nous étions venus faire est comme de sur-simplifier quelque chose d’important. Comme d’expliquer un show hardcore à quelqu’un qui n’en a jamais vu. Il n’y a pas de point de référence. Fin de non-recevoir. Rentrer chez soi, c’est un retour à un certain confort qu’on tente de se bâtir. Mais, c’est aussi une fin. La fin de ça est le commencement d’autre chose, comme ils disent. Jusqu’à la prochaine fois…